Depuis 1945, notre système de protection sociale a longtemps permis de garantir à l’ensemble de la population un haut niveau de protection à tous les âges de la vie. Mais les reculs considérables opérés depuis des décennies mettent à mal la logique de droits et de solidarité intergénérationnelle sur laquelle il s’était construit : fin de la gestion par les salariés, séparation en 1967 de la Sécu en quatre branches (maladie, retraite, famille, accidents du travail et maladie professionnelle), approche uniquement comptable des dépenses de la Sécu (à travers les lois de financement de la Sécurité sociale en 1995), mouvement continu de régression des droits sociaux…
La Sécurité sociale est de plus en plus fragilisée et remise en cause. Avec les allègements, les exonérations et la baisse de leurs taux, les cotisations sociales patronales n’ont cessé d’être réduites. Les réformes successives des retraites privent de plus en plus de salariés d’une retraite décente, ce qui ouvre la voie à la capitalisation pour ceux qui en ont les moyens. Plus soumises à la précarité, aux carrières incomplètes et au temps partiel, les femmes sont les premières victimes de ces politiques.
La remise en cause du service public de l’inspection et de la médecine du travail affaiblissent les politiques de prévention alors que se dégradent dans le même temps les conditions de travail des salariés. Les accidents du travail font l’objet d’une sous-déclaration notoire.
Parce que la santé n’est pas une marchandise, qu’elle est l’un des biens les plus précieux, elle nécessite une assurance maladie à la hauteur des besoins, une protection sociale du 21e siècle fidèle aux valeurs fondées par le Conseil National de la Résistance en 1945. La France a les moyens à la fois de mener une politique ambitieuse de prévention et d’aller vers une prise en charge des soins à 100 %, dans le cadre d’un système de santé publique débarrassé des dépassements d’honoraires, des franchises et autres forfaits, où le prix du médicament est maîtrisé et transparent, où la prise en charge est globale.
1/ LES CONSÉQUENCES DU DÉSENGAGEMENT DE L’ASSURANCE MALADIE
Les politiques gouvernementales successives, qui organisent un désengagement de la branche maladie de la Sécurité sociale, s’inscrivent dans une logique de marchandisation de la santé.
Des médicaments sont déremboursés alors que des soins et dispositifs médicaux sont eux remboursés très insuffisamment (optique, dentaire…). La pilule contraceptive, elle-même, ne l’est pas toujours … et la liste ne cesse de s’allonger. Le reste à charge des patients n’a cessé d’augmenter et on assiste à un transfert progressif vers les complémentaires-santé.
Si la Sécurité sociale rembourse encore 100 % des affections de longue durée (ALD), elle ne rembourse plus en moyenne que 50 % des soins courants. Dans les faits, cette politique se traduit par une augmentation progressive de la population qui diffère ou renonce à des soins.
L’objectif de cette politique est de replier la Sécu sur le risque lourd ou « gros risque » (hôpital, affections longue durée) et de laisser le « petit risque » aux complémentaires-santé qui évoluent dans un univers très concurrentiel, en application des directives européennes depuis 1992.
Les complémentaires santé ont des pratiques tarifaires qui segmentent les risques et pénalisent les plus malades et les plus âgés. On passe d’une logique de dépenses socialisées assise sur la redistribution des richesses à une logique de dépenses individualisées en fonction des moyens de chacun. On s’éloigne ainsi chaque jour un peu plus du principe fondamental de la Sécurité sociale (chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins). Géré suivant une logique managériale, l’hôpital public fait l’objet de réductions budgétaires qui mettent à mal ses missions de service public. L’organisation du temps de travail entraîne une forte souffrance des personnels soignants et non soignants qui se répercute sur les usagers.
Les déserts médicaux se développent dans les zones rurales et urbaines et plus particulièrement dans les quartiers populaires. Les dépassements d’honoraires, franchises et autres forfaits se multiplient. On assiste à l’instauration d’une médecine à plusieurs vitesses avec un accès aux soins de plus en plus inégalitaire sur le plan social comme territorial. Ce double phénomène conduit à la saturation des urgences. Dans ce contexte, le virage ambulatoire imposé ne peut se faire qu’au détriment de la santé des patients. Et une fois de plus les femmes, les personnes isolées, âgées, les plus malades sont les premières touchées.
La généralisation de la complémentaire collective d’entreprise à partir du 1er janvier 2016 est une mauvaise réponse au désengagement de l’assurance maladie obligatoire. L’expérience montre que les salariés ne sont pas mieux protégés qu’avant (panier de soins minimal) et nombre d’entre eux sont contraints de souscrire à une surcomplémentaire à leurs frais (quand ils peuvent se le permettre). Cette organisation à trois étages pourrait à terme justifier de nouveaux déremboursements de la Sécu.
2/ POUR UNE TOUT AUTRE POLITIQUE DE SANTÉ ALLANT VERS LE 100 % SÉCU
Nous voulons ouvrir un large débat citoyen pour renouer avec l’ambition initiale de la Sécurité sociale. Cette politique de santé publique ambitieuse vise une organisation démocratique des soins en fonction des besoins de la population.
Cela passe :
par un maillage du territoire national avec la création de centres de santé public ;
par les moyens humains et financiers permettant aux établissements publics de santé et à l’hôpital public de remplir l’intégralité de leurs missions ;
par la création d’un pôle public du médicament ;
par l’interdiction des dépassements d’honoraires et la suppression des forfaits ;
par une véritable politique de prévention en matière de santé prenant en compte tous ses déterminants (travail, environnement, logement,…) ;
par le droit et l’accès effectifs à la contraception et à l’avortement (éducation, planning familial, centre IVG…) ;
par une prise en charge par la Sécurité sociale de la perte d’autonomie ;
par le retour à une véritable démocratie sociale.
3/ UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE À LA HAUTEUR DES BESOINS
Toutes les études montrent l’attachement des Français à une Sécurité sociale de haut niveau pour tous.
Le débat citoyen sur la santé évoqué plus haut doit également porter sur la question du financement.
Celui-ci doit permettre la satisfaction des besoins qui auront été démocratiquement définis.
Cela suppose de rechercher des recettes supplémentaires dans le cadre d’un autre partage des richesses et en premier lieu :
de revenir sur toutes les mesures d’allègement et d’exonération des cotisations sociales patronales ;
de lutter contre la fraude aux cotisations sociales des entreprises ;
de garantir une réelle égalité salariale femmes-hommes ;
d’engager une politique ambitieuse en matière d’emploi et de salaires.
ateliers ouverts
Dans certains domaines, la réflexion de la Convergence et de toutes les forces (organisations, syndicats, coordinations, collectifs,…) qui ont contribué à l’élaboration de ce manifeste n’est aujourd’hui pas assez fouillée pour permettre la rédaction de propositions partagées. C’est pourquoi la Convergence a décidé d’organiser des ateliers ouverts pour faire avancer la réflexion afin d’y parvenir. Le premier d’entre eux concernera la SÉCURITÉ SOCIALE avec pour objectif de créer les conditions pour agir collectivement pour la reconquête d’une Sécurité sociale à la hauteur des enjeux du 21e siècle couvrant tout le monde selon ses besoins. Le second traitera de la QUESTION INTERNATIONALE et notamment européenne. Des services publics démocratiques répondant aux besoins des populations et évitant les coûts humains et écologiques insoutenables du libéralisme sont nécessaires partout et pour toutes et tous. S’informer, participer aux luttes sur ce terrain et travailler ensemble avec toutes les forces qui, au niveau européen et international, partagent notre conviction est aujourd’hui une nécessité. Le troisième portera dans le cadre de l’ORGANISATION DÉMOCRATIQUE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE organisation démocratique de la transition écologique sur la question essentielle de la place que doit y prendre le Service Public.