Dans les années 1820 les ouvriers gantiers créent une société de secours mutuel. Ils se cotisent, ils créent leur mutuelle ouvrière pour sortir je cite de la charité, de l’aumône à l’indigence, ce qu’on appelle maintenant l’assistance aux plus démunis. Et ils précisent dans le langage de l’époque » chez nous, au contraire, les secours que la société (de secours mutuel) accorde sont des droits acquis, tous les sociétaires peuvent être à la fois obligeants et obligés ; c’est une famille qui réunit en commun le fruit de ses labeurs pour pouvoir s’entraider mutuellement. Les droits sont tous égaux ».
Cotisation, droits égaux, solidarité, gestion ouvrière, on a là, les fondamentaux qui seront généralisés un siècle plus tard par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.
Les ancêtres libéraux de Macron et autres ne l’entendent pas ainsi. Ainsi Adolphe Thiers, président de la IIIème République si chère à Emmanuel Macron déclarait : « « Il faut poser des limites à l’assistance afin de maintenir l’obligation du travail pour tous …». « Nul ne doit faire peser sur la société le fardeau de sa paresse ou de son imprévoyance ». En langage du MEDEF, de nos gouvernants, c’est réduire les allocations chômage, « pas de droits sans devoirs », souscrivez à des assurances, à des fonds de pension.
La Sécurité sociale est une conquête ouvrière.
Elle a pour but de « …Garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent… ». Elle revendique « la justice sociale. La Sécurité sociale est une conquête ouvrière mais dès le 22 mai 1946 la loi Ambroise Croizat la généralise. Cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins c’est un projet de société qui ne concerne pas que la protection sociale. Le programme du Conseil National de la Résistance, les Jours heureux, comportait aussi entre autres je cite « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ».
On voit avec la pandémie Covid 19 les dégâts de la mondialisation libérale, des délocalisations, de la privatisation des secteurs essentiels de la recherche et de l’industrie du médicament. Après tant de privatisations, de dérèglementations, la notion même de service public s’efface devant le service AU public. La problématique de la renationalisation, de l’appropriation sociale, revient dans le débat, débat dont Convergence est partie prenante.
Nous sommes à Saint Étienne, à l’École Nationale Supérieure de la Sécurité sociale. Nous la remercions. Nous l’assurons de notre soutien contre tous ceux qui veulent remettre en cause sa spécificité Sécurité sociale, comme ils veulent remettre en cause la Sécurité sociale.
Si la Sécurité sociale existe encore c’est grâce à la mobilisation des générations successives, dont des camarades comme Jolfred Fregonara, interviewé dans le film La Sociale, qui ici même, et jusqu’à son dernier souffle, mena le combat en défense de la Sécurité sociale. Nous lui rendons hommage. Ambroise Croizat disait : « Ne parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquis sociaux, parce que le patronat ne désarme jamais. ».
Exact, et plus d’actualité que jamais. Après Denis Kessler et son « Adieu 45 » un vice-président du MEDEF s’est exprimé lors du forum social de la fête de l’Humanité. Devant 800 à 1000 syndicalistes ulcérés, il a osé déclarer : « la Sécurité sociale de 1945 n’est plus soutenable ». Et il précisait que ce n’était pas la faute de l’entreprise si un salarié était malade ou s’il avait vieilli. En clair les branches maladie, retraites, famille, de la Sécurité sociale, devraient disparaître. Au nom du gouvernement Mme Buzyn, alors ministre, les paraphrase : « Un système de santé à bout de souffle, pensé à la sortie de la 2ème guerre mondiale…Nous sommes arrivés au bout …(Il faut) Construire autrement notre protection sociale »…vers un « nouveau filet de sécurité sociale«
Le MEDEF, le gouvernement, n’ont pas parlé au hasard. Ils se sont exprimés au nom de la mondialisation libérale, dans le cadre du projet de la Banque mondiale de 1994. C’est un projet à la fois d’étatisation de la Sécurité sociale et d’extension de la privatisation, inspiré des États Unis.
Le combat est âpre car il y a d’énormes enjeux.
Le budget de la Sécurité sociale dépasse 500 milliards, 500 milliards qui ne passent pas par les marchés financiers, marchés qui ne peuvent pas prélever leur dime au passage. Le combat est âpre car l’enjeu est de modifier le partage entre salaires et dividendes. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2018, le PLFSS 2018, disait : « Les exonérations de cotisations sociales sont les formes les plus récentes de réduction du coût du travail ». Les exonérations de cotisations sociales dites patronales, la partie socialisée du salaire, se montaient déjà à 63 milliards avant Covid. Un PDG interviewé sur BFM Business en réclamait 100 milliards de plus.
Le combat est âpre car qui paie la note ? Nous bien sûr. Nous sous 2 formes :
- 1ère forme : par la fiscalité. Faisant écho au MEDEF Emmanuel Macron déclarait : « Le système de protection sociale doit être moins financé par des cotisations sociales assises sur le travail, et plus par l’impôt ». Lequel ? « L’impôt qui repose sur la consommation, sur la pollution… » : En clair augmentation des impôts, de la TVA, de la CSG, des taxes dites écologiques qui n’ont pas forcément une motivation écologique. Ça a donné les Gilets jaunes.
- La 2ème forme c’est l’extension du privé. Pour ceux qui le pourraient, mais au détriment de leur pouvoir d’achat, il faudrait verser de plus en plus po ur les complémentaires, pour les fonds de pensions. Et ceux qui n’en auraient pas les moyens se satisferaient d’un filet de sécurité comme aux États Unis.
C’est la logique du PLFSS 2021, dont la réforme de la perte d’autonomie.
Structurellement la perte d’autonomie est confiée à la CNSA, à l’opposé de ce que nombre d’organisations exigent, à savoir son rattachement à la branche maladie de la Sécurité sociale. C’est aussi une avalanche de taxes et d’impôts, un véritable racket. Une 2ème journée de travail gratuit est en débat, comme l’obligation de souscrire des assurances privées. Ce qui sera voté dépend uniquement du rapport de forces que nous saurons établir à l’occasion du PLFSS 2021, dans les prochains jours et semaines.
Pareil avec la dette de la Sécu: ils distribuent les milliards par dizaines, les licenciements explosent, privant la Sécurité sociale de ressources, et on nous oblige à rembourser les déficits, la dette, au moins jusqu’en 2033. Véran, Dussopt, nous promettent le retour aux équilibres financiers par de nouvelles restructurations, l’étatisation – destruction de la Sécurité sociale.
Ambroise Croizat a répondu par anticipation à Emmanuel Macron, à Laurent Vachey. Pour lui fiscaliser, étatiser, la Sécurité sociale, ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est changer sa nature.
Il écrivait : « … Faire appel au budget de l’Etat c’est inévitablement subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières qui risqueraient de paralyser les efforts accomplis ».
Il y a des débats dans les organisations, il y a des débats à Convergence. Toute l’histoire du mouvement social est faite de débats. Mais il y a aussi des convergences.
Nous revendiquons des droits de haut niveau pour toutes et tous. Le PLFSS 2021 doit donner les moyens de satisfaire les besoins, moyens financiers, moyens en personnels.
Nous voulons non seulement défendre la Sécurité sociale, mais la reconquérir. Et nous avons l’ambition de faire de nouvelles conquêtes comme le remboursement de la prévention et des soins à 100 % par la Sécurité sociale.
Nous voulons un grand service public de la perte d’autonomie et bien d’autres progrès et conquêtes, comme des retraites de haut niveau.
Nous proposons de pousser la gestion démocratique de la sécurité sociale en l’ouvrant davantage aux forces syndicales, associatives et aux citoyens
Les fondamentaux de la Sécurité sociale sont plus d’actualité que jamais. Ce qui n’était qu’une perspective, qu’une anticipation, dans la France dévastée de l’après-guerre peut maintenant être réalisé.
Nous sommes réunis ici à Saint Étienne. Nous le disons calmement mais fermement au patronat, au gouvernement et à leurs alliés : Comme Ambroise Croizat « Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale, nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès. »