Depuis l’ouverture à la concurrence, effective pour les particuliers en 2007, et la libéralisation du secteur de l’énergie, les prix de l’électricité et du gaz sont à la hausse en France, mais également partout en Europe. C’est un pied de nez à tous les promoteurs de la concurrence « libre et non faussée » qui devait, soi-disant, faire baisser les prix du gaz et de l’électricité.
La politique européenne basée sur la libéralisation de l’énergie, notamment à travers son paquet énergie-climat répliqué au sein de ses États membres, vise à l’établissement d’un marché intérieur de l’énergie permettant la libre circulation de l’énergie, sans barrière technique ni réglementaire !
Très prochainement, la déclinaison du pacte vert de l’Europe va se traduire par l’élargissement du marché carbone complètement volatil au secteur du transport routier et du bâtiment qui conduira de fait les fournisseurs d’énergie, essence, fioul, gaz… à répercuter sur le tarif des consommateurs leur droit à polluer, pénalisant davantage les plus pauvres. La France qui prendra la présidence de l’Union européenne l’année prochaine doit s’y opposer.
Pour nous, l’énergie, au même titre que la santé ou le logement, est un bien commun et doit sortir de la loi du marché. Il est urgent de reconnaître le droit à l’énergie comme droit fondamental car son accès répond à un besoin vital. C’est dans ce sens que sa tarification ne peut dépendre ni du marché ni des objectifs de dividendes des actionnaires.
Aussi, le temps est venu d’agir en Europe pour plus de coopération. Cela passe par le développement des services publics de l’énergie pour libérer la société des logiques de profit et faire converger les économies, les finances, les budgets vers un nouveau mode de développement fondé sur la réponse aux besoins sociaux, économiques et climatiques.
En France, l’Observatoire de la précarité énergétique rappelle que les aides nécessaires pour sortir l’ensemble de la précarité énergétique s’élèveraient à 3,1 milliards d’euros/an, soit 710 euros/logement/an. Et qu’une augmentation de 10 % des prix de l’énergie conduirait à plus de 400 000 ménages supplémentaires en situation de précarité. C’est dire combien le chèque de 100 euros ne réglera pas l’éradication de la précarité énergétique qui grandit chaque jour et qui touche plus de 12 millions de personnes aujourd’hui.
D’ailleurs, nous constatons que le gouvernement est en échec sur l’objectif de réduire de 15 % la précarité énergétique d’ici à 2020 comme le stipulait la loi de transition énergétique votée en 2015.
Après plus d’un an et demi de pandémie sanitaire entraînant perte d’emplois, chômage partiel subi, le gouvernement doit agir immédiatement pour réduire les dépenses incompressibles des ménages. Avec plus de 3 millions de travailleurs pauvres, une revalorisation salariale serait une véritable bouffée d’oxygène. C’est indispensable pour vivre dignement et pleinement !
Les dernières annonces du premier ministre d’un « blocage des prix » du gaz sont en fait un lissage des hausses et des baisses à venir pendant toute la campagne électorale présidentielle. C’est donc la trésorerie des fournisseurs qui sera sollicitée mais, au final, le consommateur paiera la même chose. La hausse de 12,6 % au 1er octobre n’est pas remise en cause. Au total, c’est une hausse de 57 % depuis le début de l’année. Quant à l’électricité, c’est un plafonnement à 4 % de la hausse des prix de l’électricité en février 2022 via une forte baisse de la fiscalité qui est proposé. À aucun moment ce gouvernement ne remet en cause la déréglementation du secteur de l’énergie et son lot de privatisations ou encore les mécanismes du marché qui font gonfler les factures en fonction de l’offre et de la demande.
Pour agir efficacement, nous demandons dans l’immédiat :
- Que le gouvernement reprenne la main sur la fixation des tarifs du gaz et de l’électricité et notamment, pour cette dernière, revoir le mode de construction du tarif qui se fait actuellement par empilement des coûts avec une part volatile en fonction des prix du marché. Les tarifs régulés doivent être pérennisés ;
- L’interdiction des coupures d’électricité et de gaz tout au long de l’année pour les précaires énergétiques ;
- Obliger tous les fournisseurs à verser au Fonds de solidarité logement pour aider à la solidarité.
Nous revendiquons ensuite la construction d’un service public de l’énergie ayant comme priorité, dans ses choix politiques et stratégiques, la réponse aux besoins de la population.
Tribune de
Michel Jallamion, président de la Convergence nationale des services publics,
Valérie Gonçalvès, secrétaire générale de l’ONG Droit à l’énergie-SOS Futur,
Christian Khalifa, président d’Indecosa-CGT.
publiée dans l’Humanité