Logement : une politique sourde et aveugle

Le sens de la politique de Macron en matière de logement est certes, et c’est loin d’être secondaire, de faire le plus rapidement possible des économies budgétaires pour financer sa politique du ruissellement en faveur des plus riches et des grandes entreprise, c’est-à-dire de se désengager toujours plus des dépenses publiques liées au logement (en pourcentage du PIB, l’effort public pour le logement est passé de 2% en 2010, à 1,91% en 2012, à 1,9% en 2014, à 1,86% en 2016 pour chuter à 1,69% en 2018). Mais c’est d’abord de rétablir et d’améliorer la profitabilité du capital privé immobilier. Cela signifie très précisément que son objet n’est qu’à la marge de répondre aux besoins immenses de la population que décrivent année après année les rapports de la fondation Abbé Pierre. Ce faisant, il parachève, dans des conditions spécifiques, une politique de financiarisation du logement commencée dès les années 60, et qui se marque par le renchérissement considérable du cout du logement pour les ménages : alors qu’en moyenne, dans les années 60, les dépenses de logement représentaient 10% des revenus pour les 10% des familles les plus pauvres, aujourd’hui, ces dépenses représentent en moyenne 42% de leur revenu.

Deux ans après l’accession au pouvoir de Macron, un an après la mise en application des mesures concernant le logement, quinze jours après la fin d’un grand monologue sensé mettre fin au mouvement populaire des gilets jaunes, à dimension sociale et citoyenne, fortement soutenu par une majorité de la population, dans lequel la question du logement était sous-jacente, il est temps de tirer un premier bilan de la loi ELAN et des diverses autres mesures prises.

Plan

 – Un peu d’histoire

 – Des conditions spécifiques

 – La complémentarité des mesures gouvernementales

Un peu d’histoire

Il ne s’agit pas ici de faire un historique exhaustif des différentes mesures prises depuis la libération, mais de mettre l’accent sur celles qui expliquent l’évolution de la situation du logement jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi des lois comme la loi Besson de 1990, la loi SRU de 2000 qui impose dans son article 55 aux communes importantes de disposer de 20 puis 25% (depuis la loi Duflot de 2013) de logements sociaux, la loi DALO de 2007 sur le droit au logement opposable et la loi ALUR de 2014 ne seront pas traitées, sauf de manière incidente. En effet, même si le gouvernement Macron, nous y reviendrons, veut se débarrasser des obligations de certaines d’entre elles, elles ont en commun d’une part la faiblesse de leur sanction juridique et l’action laxiste qui en est faite par les préfets ; d’autre part le fait qu’aucune des lois prises par des gouvernements de droite n’ont jamais remis en cause par les gouvernements PS (sur la loi Méhaignerie, par exemple, l’ancien ministre Quillot déclarait qu’« il y a en gros 60% de bonnes choses »). De même, nous ne ferons que citer ici, vu l’absence de conséquence pratique que ces décisions ont pu avoir, d’une part la condamnation à l’unanimité de la France en 2008 par le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe pour violation de la charte des droits sociaux en matière de logement et d’autre part la déclaration de mars 2019de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement décent soulignant la contradiction flagrante en France entre l’affirmation de grands principes et leur absence totale de mise en pratique.

De 1947 à 1959, c’est-à-dire pendant l’essentiel de la période de reconstruction où la crise du logement est avant tout une crise de pénurie, c’est l’Etat qui prend en charge l’essentiel du financement du logement(en 1959, les logements neufs non aidés ne représentent que 8,8% du total des logements terminés) par l’intermédiaire du secteur HLM : plan annuel de construction d’HLM locative lancé en 1947 bénéficiant de prêts à très long terme à taux d’intérêt très faible (aide à la pierre), plan Courant de 1953 promouvant les grands ensembles et la préfabrication de la construction ; lancement des LOGECOS et de la promotion parapublique : création en 1954 de la SCIC « société centrale immobilière de la caisse des dépôts et institution du 1% patronal. Il faut dire que la question du logement devenue explosive prend une importance politique considérable : la pénurie et le délabrement, aggravés par les destructions de la guerre et l’urbanisation en cours de la population, rentrent en écho avec un mécontentement social important (grèves de 1953-1955, appel de l’abbé Pierre en 1954…).

Ce n’est qu’à partir de la fin des années 50 que le capital privé commence à s’intéresser vraiment au secteur immobilier. Dès lors, la politique économique suivie va viser à accroitre la part du capital privé dans la politique du logement et cela avec un succès dont rendent comptent les chiffres suivants :

 – entre 1959 et 1967, l’augmentation des HLM sera de 38%, tandis que celle des logements non-aidés atteindra 310 ;

 – en 1964, 57%du financement de la construction proviendra des capitaux privés.

Ce qui est alors le plus significatif de la pénétration du capital privé dans la sphère de l’immobilier est, à partir de 1959, date du plan de rénovation de Paris, la multiplication et l’évolution des opérations de « rénovation urbaine »si caractéristiques des années 60. En effet, ces opérations, lancées par l’Etat ou les collectivités locales avec des fonds publics et qui se sont souvent opérés déficitaires ont eu deux conséquences :

 -si elles ont permis la réalisation d’un nombre élevé de logements sociaux notamment au travers des ZUP « zone à urbaniser en priorité » (opérations d’au minimum 500 logements), ceux-ci ont été, le plus souvent, construits à l’économie et, pour les opérations les plus importantes, à côté du tissus urbain existant (Sarcelles, Les Minguettes, La Courneuve, Poissy, Le Val fourré, les quartiers nord de Marseille…). C’est là que s’est construite l’image négative qui touche l’ensemble du logement social ;

 -mais en même temps, pour les opérations insérées dans le tissu urbain existant, elles ont eu pour effet d’améliorer l’image de certains quartiers et donc de préparer le terrain pour une rénovation privée d’envergure qui, elle s’avère des plus rentables (entre 1955 et 1970, à Paris, alors que les opérations de rénovation publique ne représentent que 15%de la production annuelle de logements, 45% du total des logements bâtis le sont dans leur périphérie immédiate).

Cette imbrication privé/public est même officialisée en 1967 avec la loi d’orientation foncière créant les ZAC « zone d’aménagement concerté ». En effet, par ce biais, ce sont de fait les groupes privés qui fixent l’essentiel du programme de construction. De plus, ils acquièrent pour leurs opérations un terrain, non au prix spéculatif du marché libre, mais à un prix « public » fixé par l’administration des domaines à la suite de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique ; même si ces prix sont revus à la hausse par les tribunaux lorsqu’il n’y a pas d’accord, ceux-ci restent très largement inférieurs à ceux du marché.

Ces opérations vont être à la base d’une part de la transformation des villes et de leur périphérie tant au plan de l’habitat (embourgeoisement du centre) que des activités (destruction du tissu industriel et artisanal au profit des « bureaux », et d’autre part d’une dégradation importante des conditions de vie des couches populaires (ghettoïsation de l’habitat ; rupture entre les lieux de travail et de logement, ce qui signifie un accroissement considérable du temps de transport ; métro-boulot-dodo).

Amorcé dès 1963 par la suppression des LOGECOS qui va obliger une partie importante de la population qui commence à se tourner vers l’accession à s’orienter vers le marché privé, continuée en 1966 par la débudgétisation des prêts HLM et la création de la Caisse des prêts aux organismes HLM (la CPHLM est gérée et nourrie par la CDC conjointement à des dotations en capital de l’Etat), le désengagement financier de l’Etat va désormais s’accélérer comme en témoigne les réformes des prêts immobiliers qui pourront être assurés par l’ensemble du secteur bancaire et non plus par le seul CCF. La crise économique qui éclate en 1974 va amplifier encore ce phénomène. C’est cette même année que le rapport Barre trace une route qui ne se démentira plus : l’unification totale, c’est-à-dire logement sociaux compris, du marché du logement. C’est ce que consacre la loi de janvier 1977 qui substitue à l’« aide à la pierre » « une aide à la personne » concrétisée par l’APL « aide personnalisée au logement ». Son objectif est double :

 – relativiser la construction sociale d’une part en détournant vers le privé des fonds publics (ce qui permet au privé de prendre en maile financement de la construction et d’orienter les programmes), et, de l’autre, en renchérissant considérablement le coût des prêts consentis par l’Etat aux organismes sociaux (durée réduite, taux non préférentiels).

 – avoir, au nom de la « vérité des prix » une politique de loyers élevés qui devaient être compensés par l’APL. En fait, excepté pour les ménages les plus faibles, ces mesures aboutissent ç une augmentation du taux d’effort demandé aux ménages.

Il faut noter que le choix de favoriser la promotion privée se mesure également au fait que, alors qu’une crise immobilière survient (entre 1975 et 1982, la promotion privée s’écroule de près de 80% à Paris), jamais l’Etat et les collectivités locales ne tentent de suppléer l’initiative privée défaillante pour construire en remplacement des logements sociaux, alors même que les moyens juridiques existent (le droit de préemption n’a, au mieux concerné que 7% des transactions immobilières).

Depuis 1981 les gouvernements dominés par le PS n’ont pas réellement remis en cause les orientations de la droite.

 -En ce qui concerne la construction, ils n’ont pas remis en cause les orientations de la loi de 77 ni cherché à utiliser le poids des entreprises et banques nationalisées qui, avec leurs filiales immobilières possèdent l’argent frais nécessaire à toute opération, d’importantes emprise disponibles (plus de 500 ha dans Paris pour la RATP, l’AP et la SNCF) et un poids décisif dans les CA de nombreuses SEM ou SA d’HLM.

 -en ce qui concerne les rapports locatifs, si la loi Quillot a limité l’arbitraire des propriétaires, elle reste malgré tout marquée par d’importantes concessions qui se sont retournées contre les locataires : rétention pendant 18 mois permettant une relocation à un tarif libre ; absence de mesures dissuasives pour empêcher les sorties illégales de la loi de 1948 (plus de 100 000 sur Paris).

C’est dans ces conditions particulières marquées par la crise économique et l’existence d’un important parc social de droit (HLM) et de fait (logements loi de 1948) qu’intervient la loi Méhaignerie en 1986. Cette loi vise bien sur la relance d’une promotion privée tombée au plus bas et devant laquelle place nette doit être faite.

Cette loi ne se contente pas de prendre des mesures classiques de relance de la construction privée :

 -assouplissement des règles de construction et d’aménagement ;

 -mesures fiscales favorables aux investisseurs : déduction de 35% des revenus fonciers pendant 10 ans pour les nouvelles opérations, réorientation de l’aide aux particuliers vers l’accession…

Elle s’attaque frontalement au parc de logements sociaux :

 -en freinant drastiquement les nouvelles constructions. Ainsi, dans le budget logement de 1987, le montant affecté aux PLA est en baisse de 36% et pour celui de 1988, aucun objectif chiffré de construction de logements sociaux n’est fixé. Le BIPE « bureau d’information et de prévision économique » prévoit pour les cinq années suivantes une diminution de 40% des mises en chantier dans le locatif social et de 20% dans l’accession sociale ;

 -en remettant en cause son existence. C’est le sens d’une part de la programmation de l’extinction à court terme de la loi de 1948. C’est le sens surtout de l’élaboration d’un dispositif de vente des logements sociaux à leurs occupants, ce qui aura pour résultat de les retirer du circuit locatif social ; la volonté ministérielle était d’en vendre 30 000 par an !

Cette dérèglementation intervient au moment où l’APL est devenue, en moins de 10 ans, un gouffre financier. Ce système, en effet, a été conçu dans une période de croissance économique, d’inflation forte et de taux d’intérêts élevés. Seul le maintien de ces conditions permettait, après une période de montée en puissance, une rotation des bénéficiaires, l’arrivée de nouveaux étant compensée par le sortie des premiers qui voyaient leurs revenus augmenter (la durée de bénéfice de l’APL envisagée en 1977 était de 5 à 6 ans en locatif et de 3 à 4 ans en accession). Or du fait de la modification du contexte (crise économique, chômage de masse, inflation à peu près jugulée) après 9 ans de fonctionnement, très peu de bénéficiaires sont sortis de ce dispositif. En conséquence, l’Etat se trouve incapable de respecter ses engagements (art 8 de la loi du 03 01 1977 : la révision annuelle « assure par toutes les mesures appropriées le maintien de l’efficacité sociale de l’APL ». Au contraire, rares sont les années où le pouvoir solvabilisateur de l’APL est garanti. Ainsi en 1987, alors même que le montant global des APL augmente de 16% sur 1986, il y aura diminution en franc constant de la part revenant à chaque bénéficiaire. Cela signifie une hausse du taux d’effort réclamé aux familles tant en locatif qu’en accession. C’est dans ce cadre de dérèglementation et de hausse du taux d’effort des ménages que s’accélère le mouvement de transformation des Offices publics en OPAC et plus tard en OPH (ordonnance du 1er février 2007), c’est-à-dire leur rapprochement d’une entreprise classique dont ils adoptent d’ailleurs la comptabilité commerciale.

La loi Boutin prise sous la présidence de Nicolas Sarkozy s’inscrit pleinement dans la même perspective de prééminence de la promotion privée sur la politique publique au détriment de la réalité des besoins sociaux.

En effet, il s’agit essentiellement d’une part de baisser de 10% les plafonds de ressources pour avoir droit à un logement HLM, d’autre part d’instituer pour les ménages dont les revenus dépassent de plus de 20% les plafonds de ressources un « supplément de loyer de solidarité ». Outre que cela signifie pour les couches moyennes concernées une augmentation considérable de leur taux d’effort, une telle mesure est tout sauf secondaire :

– d’autre part elle réduit, dès son application, le nombre de ménages pouvant prétendre à un logement social d’environ 10% qu’elle va ramener à environ 60%. Evidemment cela satisfait pleinement la promotion privée et notamment l’UNPI (Union Nationale de la Promotion Immobilière) qui, dans son « Livre Blanc de la Propriété Immobilière » de septembre 2007, demande la modification « des conditions d’accès au parc public de façon à ce que pas plus d’un français sur deux ne puisse prétendre à un logement social public au lieu de 3 sur 4 actuellement ». Cela va être un élément du maintien de coûts prohibitifs du logement, notamment dans le locatif, en augmentant la part de population captive obligée de se tourner vers les propriétaires privés alors même qu’elle n’en a pas ou peu les moyens(en 2009, en région parisienne, le loyer d’un logement du parc privé est en moyenne 2,4 fois plus cher que celui d’un logement du parc social et sur l’ensemble du territoire national cette différence « tombe » à 2 fois). Cela sera notamment vrai pour les familles qui n’auront d’autres choix qu’entre une « expulsion économique » hors de Paris et d’un grand nombre de communes limitrophes ou à un habitat très dégradé ou surpeuplé. Cette loi sera complétée par des dispositions de la loi « égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017 qui abaissent, en zone tendue, de 200 à 150% au-dessus du plafond de ressources, le niveau de revenu au-delà duquel le maintien dans le logement n’est plus garanti.

La réforme de la distribution du livret Adu 1er janvier 2009 remet en cause notamment la centralisation de l’épargne investie sur ces livrets à la CDC (plus de 113 milliards d’euros – soit environ 4% de l’épargne totale des français – déposés par 47 millions de personnes, dont 600 000 n’ont pas la possibilité d’avoir un compte courant) au profit des banques. Celles-ci pourront collecter, dans un premier temps, jusqu’à 30% de l’épargne drainée par le livret A. Mais comme ce taux ne sera pas inscrit dans la loi et pourra être modifié de façon réglementaire sans publicité ni débat, il paraît vraisemblable qu’il puisse assez rapidement se fixer autour de 50%. Or il faut savoir que si, suite à un important lobbying des banques, la Commission européenne a demandé que la distribution des livrets A et Bleu soit élargie aux banques au nom de la libre concurrence, elle n’a pas demandé que soit remise en cause sa centralisation auprès de la CDC ainsi que l’a déclaré à Libération le 29 avril 2008, la commissaire européenne à la concurrence, Nelly Kroes qui précise que « personne ne remet en cause ni les objectifs du service d’intérêt général en matière de financement du logement social, ni la centralisation des fonds collectés à la Caisse des dépôts et consignations. ». C’est donc une décision 100% Sarkozy que personne n’a remise en cause.

Or ces mesures vont marquer la fin du rôle pivot de cet organisme dans la gestion de l’épargne administrée. Pourtant, celui-ci a rempli efficacement son rôle pendant plus de 150 ans et a permis la construction de plus de 4 millions de logements sociaux. En effet, cela signifie, à court ou moyen terme, d’une part une diminution des prêts de très longue durée (de 30 à 50 ans) à taux réduit (entre 3,5 et 4%) représentant jusqu’à 80% du coût de production, nécessaires aux organismes HLM pour construire du logement social et réhabiliter le parc ancien (67% du parc HLM a plus de 20 ans). D’autre part cela signe également la disparition  du taux d’intérêt égal consenti à tous les organismes, quelque soit leur taille. Car ce ne sont pas les banques, ou des organismes de même type, qui pourront mener une politique de prêt aux organismes HLM dans les mêmes conditions, rentabilité oblige. Ce n’est pas non plus leur genre que de ne prélever aucune marge d’intermédiation pour cette activité comme le fait la CDC. Cette « privatisation » du livret A et la remise en cause de la centralisation de sa collecte feront dépendre, à terme, le logement social des aléas du marché quand les banques orienteront vers d’autres placements, qu’elles estimeraient plus rentables, la part de l’épargne des livrets A qui leur est abandonnée. En effet, cela contraindra les organismes HLM à emprunter davantage sur les marchés financiers à des taux plus élevés et pour des durées moins longues. Cela entraînera un renchérissement du coût total de la construction sociale. Enfin cet assèchement des finances du logement social et, à terme, la disparition de la garantie publique, va pousser les organismes HLM à augmenter leurs loyers et à accepter de vendre une partie accrue leurs logements, politique voulue par le gouvernement (engagement de la vente de 40 000 logement par an à leurs locataires du candidat Sarkozy réaffirmé depuis par la ministre du logement et de la ville) et à laquelle ils sont aujourd’hui encore assez réticents.

Ce petit rappel historique montre que quantité des mesures de la loi ELAN et du gouvernement Macron ont été imaginées et mises en œuvre bien avant l’élection de ce dernier. Son apport consistera donc, pour beaucoup, à systématiser et renforcer des mesures antérieures en tenant compte, d’une part des échecs qu’ont connu leur application, mais aussi de la situation différente qui prévaut aujourd’hui.

Des conditions spécifiques

La déconnexion entre la production de logements et les besoins sociaux

La crise actuelle du logement est très différente de celle des années 50 qui était, pour l’essentiel, une crise de pénurie. Le nouveau visage de la crise est paradoxal. En effet, jamais depuis 1980 la construction n’a été si importante et jamais elle n’a été aussi peu adaptée aux besoins sociaux réels. Et ce phénomène va s’aggravant : Alors que jusqu’en 2000, 65% à 70% de la construction neuve était accessible aux deux tiers des ménages, dès 2008, comme le souligne le rapport de la fondation Abbé Pierre, 75% des logements produits sont destinés aux 30% des ménages les plus aisés. Ce phénomène est amplifié dans le locatif par la disparition du parc privé social de fait qui permettait de loger les ménages modestes (disparition des logements de la loi de 1948, spéculation, « vente à la découpe »).

On aurait tort de croire que ce phénomène de déconnexion entre les logements produits et la réalité des besoins sociaux ne touche que la construction privée. Elle s’observe aussi, dans une certaine mesure, dans la construction sociale. Pour le saisir, il faut rappeler d’abord que les différents types de logements sociaux sont définis par le type de prêt, plus ou moins onéreux qui permet leur financement, ce qui se répercute évidemment sur le montant des loyers demandés aux locataires ; il s’agit, du moins cher au plus cher des PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration), des PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) et des PLS (Prêt Locatif Social). Or, on constate, au niveau national, que la proportion de PLS, destinés aux classes moyennes, inaccessibles pour la grande majorité des demandeurs HLM et dont l’ensemble des associations demande qu’ils ne soient plus considérés comme des logements sociaux, atteint près de 32% des constructions. En revanche, la proportion de logements PLAI, les plus accessibles, reste, dans pratiquement tous les cas inférieure à la proportion qui permettrait de répondre à la réalité des besoins sociaux. Ainsi, par exemple, à Paris, dans les logements sociaux livrés entre 2001 et 2006, elle n’atteint que 13% quand 40% de la population est éligible à ce type de logements. Or, dans la capitale moins qu’ailleurs, l’alibi de la mixité sociale peut être avancé pour justifier une telle proportion dans ce type de construction : la réalité et la densité du bâti existant dans lesquelles sont insérées les constructions sociales assurent cette mixité d’autant plus que les opérations livrées sont de petites tailles et n’ont rien à voir avec les cités de plusieurs centaines de logements précédemment édifiées. De plus, la politique de renouvellement urbain entraîne une augmentation de la démolition du patrimoine le meilleur marché (antérieur à 1976) sans que, pour autant, des solutions décentes et préalables de relogement des familles ainsi « délogées » aient été prévues.

Une triple crise du logement

Jusque dans les dernières années du 20ème siècle, la crise du logement était d’une part essentiellement celle des couches défavorisées et d’autre part une crise quantitative. Mais à partir des années 80-90, celle-ci touche d’une part les couches moyennes sous l’impact de la hausse des prix tant en locatif qu’en accession qui est très au-delà de celle du pouvoir d’achat et est donc une crise d’inadaptation de la production de logements aux besoins sociaux. Les pouvoirs publics ont essayé d’y apporter une réponse avec le logement dit intermédiaire et en augmentant les plafonds de ressources d’accès aux logements sociaux. La première solution s’est révélé un échec, le différentiel de prix entre le logement intermédiaire et le logement privé étant insuffisant pour être incitatif. La deuxième s’est faite au détriment des couches défavorisées comme en témoigne le déficit de construction des PLAI par rapport aux besoins.

Aujourd’hui ces deux crises tendent à n’en former plus qu’une, générale, marquée notamment par la même recherche d’un logement social ou, à défaut l’exclusion des centres villes. Si pour les couches populaires, cette dernière est déjà en très grande partie réalisée, le constat actuel est que les couches moyennes ont de plus en plus de mal à s’y maintenir. Autrement dit, elles ont déjà perdu, ou sont en train de perdre, comme les couches populaires avant elles, le choix de la localisation de leur logement.

Cette crise générale se manifeste par le fait qu’aujourd’hui, au regard de leurs revenus, près de 30% de la population est éligible aux logements PLAI, près de 60% aux logements PLUS  et près de 70% aux logements PLS. Autrement dit, seule un peu plus de30% de la population a des revenus trop élevés pour ne pas être éligible à un logement à loyer réglementé.

A ces deux crises du logement, il faut en ajouter une troisième : celle qui touche les jeunes. Il leur est de plus en plus difficile de quitter le domicile parental pour s’installer dans la vie. Selon une étude de la DARES, service du ministère du travail, plus des deux tiers ont dû y renoncer, 32% faute d’emploi et 40%faute de ressources financières suffisantes ; et parmi ceux qui sont partis13% ont dû revenir chez leurs parents. Enfin, parmi ceux qui ont trouvés un logement c’est, pour près de 13% d’entre eux au prix de l’acceptation d’au moins trois défauts : par exemple une installation électrique en mauvais état, des infiltrations d’eau ou une mauvaise isolation thermique. Et pourtant les dépenses de logements représentent pour leurs revenus un taux d’effort triple de celui d’un ménage de retraités.

Les promoteurs immobiliers sont pris dans un étau qui atteint leurs marges :

 – d’une part le prix du foncier, qui pèse près de 60% du prix d’un logement, explose ce qui a pour conséquence une hausse à la vente des logements totalement déconnectée de l’évolution des revenus et des prix à la consommation (multiplié par plus de 4 en moins de 30 ans dans les grandes métropoles) ;

 – d’autre part le pouvoir d’achat des acquéreurs potentiels stagne et la stabilité de leur emploi n’est plus de mise pour beaucoup.

En conséquence, aujourd’hui, le niveau des ventes arrive tant bien que mal à se maintenir grâce aux taux bas pratiqués par les banques (on constate un phénomène de « concurrence par les taux toujours très vive entre établissements de crédit, note l’Observatoire Crédit Logement/CSA qui fait figure de référence sur le marché français ; le crédit immobilier devient pour les banques un outil de fidélisation et de captation de la clientèle) et à l’allongement de la durée des prêts (jusqu’à 35 ans ; entre 2014 et 2019, la part des crédits immobiliers d’une durée de 25 à 30 ans est passée de 14,4% à 39,6%) pour répondre à l’augmentation de l’endettement des ménages notamment due à l’immobilier. Mais ce même Observatoire, note que l’augmentation des prix des logements dans un grand nombre de villes de l’Hexagone pèse en dépit des taux de crédit faibles : « la dégradation de la solvabilité due à la hausse des prix constatée depuis six mois a été quatre fois plus forte que ce que la seule baisse des taux aurait pu absorber ». Autrement dit, ces recettes risquent à terme de ne plus suffire.

La complémentarité des mesures gouvernementales

Dans les conditions spécifiques actuelles que nous venons de voir, le but essentiel des mesures prises par le gouvernement Macron vise à rediriger vers la promotion privée le maximum des couches moyennes. Il s’agit donc :

 d’une part d’« expulser » du logement social les demandeurs et les locataires qui pourraient, moyennant une hausse « raisonnable » de leur taux d’effort se loger dans le privé. Le parc social aujourd’hui ce sont 4 500 000 logements locatifs et 300 000 logements foyers qui logent environ 11 000 000 de personnes soit 18% des ménages dont 57% sont regroupés dans les villes de plus de 200 000 habitants, c’est-à-dire là où le marché est le plus tendu et constitue le terrain de jeu favori des promoteurs privé. Et si 35% des ménages vivant en HLM ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, 3% c’est-à-dire près de 300 000 personnes ont des ressources correspondant au 20% les plus aisées de la population (dont 66% sont situés à Paris et 92% dans les grands pôles urbains) et plus encore dépassent la limite des 150% du plafond de ressources. Mais au-delà, une telle politique va transformer radicalement l’objet même du logement social : de logements accessibles pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le privé, ils ne seront plus que des logements de pauvres pour les pauvres. Or déjà environ 8 millions d’habitants vivent dans des quartiers qui doivent pour l’essentiel leur caractérisation de « difficiles » précisément à leur quasi absence de mixité sociale. C’est là un point aveugle de la réforme en cours qui fait suite au rejet du plan Borloo de politique de la ville.

d’autre part, simultanément, de rendre moins inabordable financièrement la promotion privée.

Et il faut bien tout un plan d’ensemble pour y parvenir tant le différentiel est important dans le locatif (dans les grandes agglomérations les loyers du parc social sont de 1,5 à 2 fois moins chers que dans le locatif privé ; à Paris ce différentiel monte à 4 fois).

Si la loi ELAN est une pièce essentielle de cette volonté, il ne faut pas oublier qu’elle s’articule avec les lois budgétaires et le projet CAP22 (assujettissement des bailleurs sociaux à l’impôt sur les sociétés, imposition du 1% logement).

Mesures relatives au logement social

Un premier train de mesures est d’ordre financier, mais même si elles accroissent le désengagement de l’Etat, elles visent à diminuer le poids relatif du logement social dans la société française.

Alors même que le parc privé garde l’intégralité de son APL soit près de 9 milliards d’euros (il ne s’agit pas de rendre encore plus difficile la situation des locataires du privé au moment où le gouvernement cherche à y diriger les couches moyennes), les organismes sociaux, eux, sont ponctionnés de 0,8 milliards d’euros(somme qui sera portée à 1,5 milliards en 2020 soit 8% de la masse des loyers collectés) auxquels il faut ajouter le gel des loyers en 2018 et 2019.Par ailleurs, ils auront à subir 700 millions de coût supplémentaire lié à la hausse de la TVA sur la construction neuve (de 5,5 à 10%) qu’ils ne peuvent, à la différence du privé qui intègre cette hausse dans les prix de vente, la répercuter sur leurs loyers. Enfin les aides à la pierre seront supprimées en 2019.

Déjà une conséquence pour les bailleurs sociaux : en plus des baisses importantes des travaux d’entretien et de réhabilitation énergétique qui vont peser sur le confort des locataires, et des projets de construction (baisse de 19% des permis de construire entre 2017 et 2018 et de 7% des mises en chantier pour l’année 2018). Tout cela va peser directement :

 – sur les demandeurs : on assiste à une augmentation du nombre de PLS au détriment des PLAI pour gagner plus par les loyers afin de compenser en partie la baisse des ressources. Autrement dit ce plan s’adressera plus au couches moyennes qu’à celles et ceux qui sont sous le seuil de pauvreté et les bénéficiaires de la loi DALO.

 – sur le BTP qui est un des moteurs de l’économie et de l’emploi. Jacques Chanut, le président de la Fédération Française du Bâtiment, avertit « Nos clients HLM, c’est 15% de notre chiffre d’affaires. Et ils sont souvent indispensables pour lancer des programmes mixtes de logements privés et publics ». En effet, c’est l’achat en bloc par ceux-ci d’environ 25% des programmes, qui permet de les lancer en attendant les ventes en VEFA aux particuliers.

Les « mesurettes » envisagées pour le court terme pour y pallier, ne contrebalanceront pas, et de loin, la ponction opérée qui représente environ les trois quarts de la marge des organismes HLM, et donc les dégâts qu’elle occasionne :

 – montant de la baisse des loyers ramenée de 1,5 à 1,3 milliards d’euros par an ;

 – gel du taux du livret A pendant deux ans. Cette mesure est donc est financée par une ponction sur l’épargne populaire ; 2 milliards de prêt à taux 0% – pendant les vingt premières années seulement – après les organismes sociaux devront s’adresser au marché ;

 – remise à 5,5% du taux de TVA, mais seulement pour les logements très sociaux et ceux en rénovation et non sur l’ensemble de l’activité.

 – des facilités financières. Il y a d’abord celles accordées par la CDC qui consistent en un allongement de crédits pendant cinq ou dix ans, mais qui vont gonfler d’autant les intérêts dus. Il y a les deux milliards de prêts d’une durée de 40 ans dont les emprunteurs ne remboursent pendant les vingt premières années ni capital, ni intérêts. C’est Action Logement, c’est-à-dire les salariés par l’intermédiaire des cotisations versées à cet organisme, qui prend à sa charge cette bonification d’un coût supérieur à 800 millions d’euros… moyennant des droits de réservation pour ses candidats salariés. C’est introduire le loup dans la bergerie du patrimoine des organismes HLM.

Comme le souligne le député PCF Stéphane Peu « tous les fondamentaux de sa politique qui mettent à mal le modèle social et économique du logement social sont conservés. »

Mais les mesures financières ne sont pas les seules qui vont affecter les organismes de logement social :

 -le regroupement en entités de 12 000 logements sociaux est justifié par le gouvernement par une nécessité de bonne gestion et d’économie d’échelle pour encaisser le choc… de ses propres ponctions. C’est aussi une manière d’éloigner les bailleurs de leurs collectivités : ventes, démolitions, reports des réhabilitations, limitation de l’entretien et de l’encadrement de proximité, seront décidés autoritairement, loin des intérêts des locataires, des salariés et des communes. Que restera-t-il aux locataires pour se faire entendre ? Enfin accessoirement cette obligation, à remplir d’ici 2021, va mobiliser à plein temps les organismes au détriment du lancement de projets.

– il met fin à la disposition précisant que l’avis du maire est obligatoire pour toute vente de logements sociaux dans sa commune.

Ces deux mesures sont liées au bilan tiré des résultats de la loi Méhaignerie sur les ventes de logements : très faible. Or il est apparu que la proximité du bailleur avec sa collectivité et l’avis obligatoire du maire étaient des verrous qu’il fallait faire sauter si l’on veut développer les ventes de logements sociaux au niveau voulu (40 000 par an, chiffre qui, par ailleurs est, au regard des spécialistes, inatteignable, la moitié leur semblant être le maximum envisageable).

 – la volonté de substituer à un patrimoine ayant d’abord une valeur d’usage pérenne un patrimoine destiné à la vente aura aussi des conséquences sur la qualité du bâti et de son entretien, sur la surface des logements comme dans le privé au nom de la profitabilité. Les organismes sociaux seront poussés à ne plus être réellement des maîtres d’ouvrage, mais de simples acheteurs comme en témoigne la part déjà croissante des logements sociaux achetés à des constructeurs privés en VEFA.

Officiellement, la loi SRU n’est pas touchée… à quelques « détails » près.

 -Le gouvernement va tout de même soulager certaines villes en leur permettant, à titre expérimental, de mutualiser leurs objectifs avec d’autres communes voisines. L’objectif de 25% de logements sociaux pourra être mutualisé, à l’échelle intercommunale, dès lors que les communes en comptent toutes déjà 20 %.

 -les logements sociaux vendus seront comptabilisés comme tels pendant 10 ans encore (au lieu de 5 précédemment). Dans la même veine, de nouveaux types de logements pourront être considérés comme « sociaux » et entrer dans la comptabilité de ce quota, comme les logements faisant l’objet d’un bail réel solidaire ou d’une location-accession sociale à la propriété

 -Les communes périphériques d’Ile-de-France, hors de l’aire urbaine de Paris, ne seront, elles, assujetties à la loi SRU que si elles comptent 3 500 habitants, non plus 1 500 comme auparavant.

Le contrôle tous les trois ans des revenus des locataires

Un décret du 28 juin 2018 met en place le dispositif de communication, par l’administration fiscale, des informations nécessaires à la détermination et au contrôle de l’éligibilité à un logement social des demandeurs d’accès et des locataires en place (sont visés les locataires dont les revenus dépassent de + de 50% les maximas des ressources pour accéder à un logement social et ceux en sous peuplement).Cette mesure révèle la volonté de mettre un terme au droit au maintien dans les lieux. C’est une nouvelle attaque contre la stabilité du logement.

Notons pour terminer que l’attitude « compréhensive » de l’USH – Union Sociale pour l’Habitat – vis-à-vis de ces mesures témoigne d’une chose : la prise de pouvoir en son sein, au détriment des OPH, par les sociétés anonymes d’HLM et notamment le groupe Action Logement chargé de la collecte de ce qui reste du 1% patronal. Ces sociétés, comme le déclare André Ychéle président de la SNI, voient en effet d’un œil favorable la transformation des organismes de logement social en « entreprises privées concurrentielles et compétitives… capables de lever des fonds privés pour construire du logement social »destiné… à la vente.

Mesures relatives à la promotion privée

La politique du gouvernement vise à créer « choc de l’offre pour faire baisser les prix ». Mais celui-ci n’aura pas lieu. En effet, d’une part, les mesures gouvernementales ne concernent que la construction neuve. Or la possibilité d’un tel choc dépend aussi, voire principalement des ventes dans le parc existant comme le rappelle à juste titre Jean Claude Driant professeur à l’école d’urbanisme de Paris : quand il y a 400 000 logements neufs mis sur le marché, on comptabilise entre 900 000 et un millions de transactions dans le logement ancien vis à vis duquel aucune mesure n’est prise. Mais même en ce qui concerne le logement neuf, ce choc n’aura pas lieu parce qu’aucune mesure séreuse n’est prise contre la spéculation foncière (par exemple pour la région parisienne, le réseau Guy Hocquet publie une étude montrant l’impact sur les prix immobiliers dans les différentes communes du Grand Paris Express selon la date de réalisation des différents tronçons ; c’est la transposition au niveau de l’Ile de France de ce qui s’est passé à Bordeaux avec le TGV ; là encore l’argent public va valoriser gratuitement la promotion privée). Cet échec prévisible de la relance est aussi le pronostic d’un fin connaisseur, le PDG de Nexity, premier promoteur de France qui précise que Macron fait « une erreur de conception. Il pense offre et donc stock. En France, on ne met en chantier que ce qui a trouvé preneur. Cela s’appelle la vente sur plan. C’est un système de flux qui part des gens et de l’expression de leur demande. Si les réservations ne sont pas suffisantes, le promoteur ne lance pas le chantier. Et s’il ne lance pas le chantier, le choc de l’offre ne peut pas opérer. Dans le neuf, quand les prix ne sont pas adaptés à la capacité des ménages, la construction ralentit. » Or les mesures gouvernementales n’auront d’effet qu’à la marge sur cette « inadaptation ». Le même promoteur affirme sans vergogne que ce n’est pas grave pour sa profession car « quand la production aura baissée, le gouvernement sera contraint à un nouveau plan de relance et nous en profiterons. ». En fait les mesures de la loi ELAN permettront, au mieux, aux promoteurs de tenir leur prix de vente dans des niveaux qui ne découragent pas trop leur clientèle traditionnelle très légèrement élargie sans que cela n’affecte trop leur marge. Pour le reste, les mesures prises ont toutes en commun une caractéristique : elles s’attaquent aux droits des acquéreurs et des locataires en permettant de jouer sur la taille la finition et le respect des normes remplacées par la notion de performances d’une part et en diminuant les droits des locataires et même de la population en restreignant la possibilité des recours contre les promoteurs de l’autre :

 Depuis une vingtaine d’années déjà, les promoteurs diminuent la surface des logements : un trois pièces est passé de 71 à 59 m², ce qui permet de construire plus de logements pour une même surface. Dans ce but a été poussé en avant le concept de « cuisine ouverte » qui transforme deux pièces en une seule d’une surface moindre. En vingt ans les logements ont perdus en superficie l’équivalent d’une pièce.

C’est pour permettre la généralisation, voire l’accentuation de ce mouvement que la loi Elan, réduit de 100 à 20% la proportion de logements accessibles aux handicapés (sur un logement F3 de 59m² avoir des cabinets de 3m² et une salle de bain de 6m² pour répondre aux normes alors que la surface d’une chambre peut être de 10m² et celui d’un séjour de 16m², est un gâchis de place insupportable pour les promoteurs !). Tant pis si cela remet en cause le droit au logement et à une vie sociale normale des handicapés. Pensant nous rassurer la loi prévoit que les logements seront « tous » évolutifs ; mais à qui incombera le cout de la transformation dont le montant est évalué par des professionnels entre 1 000 et 1 400 € le m² ; et si ce montant bénéficie d’aides pouvant au mieux représenter 50% de le dépense, l’avance totale doit en être faite,… qui pourra se le permettre ?

La loi ELAN (art 22) permet au promoteur en VEFA de vendre un logement non fini, certains travaux de finition ou d’équipement restant à la charge de l’acquéreur. Déjà, depuis une vingtaine d’année, le parking, qui auparavant était compris dans le prix du logement, est maintenant en sus à un prix largement majoré. Le promoteur aura fatalement la tentation de sous-estimer le coût de ces travaux et au final le coût total du logement sera supérieur pour l’acquéreur, d’autant que l’acquéreur payera plus cher les finitions et certains équipements, car ne bénéficiant pas des prix de gros dont bénéficient les promoteurs.

En outre la non réalisation de certains travaux de finition, la peinture par exemple, par le promoteur ne permettra pas à l’acquéreur d’apprécier à la livraison la qualité des enduits. De la même façon la non réalisation par le promoteur d’équipements tels que les appareils sanitaires ou les convecteurs ne permettra pas à l’acquéreur de vérifier à la livraison le bon fonctionnement de la plomberie ou de l’installation électrique et de chauffage (cela vide de sens la garantie de bon fonctionnement qui court pendant un an).

Enfin la réalisation par l’acquéreur d’un logement collectif, après livraison, de travaux non réalisés par le promoteur peut ne pas être faite selon les règles de l’art et causer des troubles aux voisins (par exemple la pose d’un parquet alors que le promoteur n’a pas réalisé une chape flottante va engendrer un trouble acoustique chez les voisins). Pour toutes ces raisons cette disposition est un marché de dupe et une source de contentieux.

Il est vrai que le but des promoteurs est de produire des logements vendables, pas des logements durables : la valeur d’échange a supplanté la valeur d’usage. C’est ce qui risque aussi d’arriver pour les logements sociaux : des logements promis à la vente n’ont plus pour les organismes chargés jusque-là de leur entretien durant toute leur existence, le même impératif de pérennité. C’est le sens de la suppression du concours d’architecte et de la diminution de son rôle qui, le plus souvent s’arrêtera à l’obtention du permis de construire (l’absence de contrôle dans le suivi du chantier mené par les entreprises se traduira par le développement de la sous-traitance et des malfaçons).

la possibilité de s’engager sur la performance plus que sur le respect des normes

Notamment lors de la transformation des bureaux en logements, une catégorie d’immeubles de « moyenne hauteur » (de 38 mètres à 50 mètres), avec des règles de sécurité « adaptées », sera créée pour faciliter la mutation de bureaux en logements.

Les rapports entre locataires et propriétaires du parc privés sont aussi fortement retouchés dans un sens très favorable aux propriétaires.

Pourtant, il faut savoir que, depuis 1999, le ministère du logement estime que le nombre total (logements privés et sociaux) de décisions d’expulsion a augmenté de 75% entre 1999 et 2017 et que les impayés sont à l’origine de 82% des expulsions locatives. D’après le magazine Alternatives Economiques, le nombre d’expulsions locatives avec concours de la force publique est passé de 6 337 en 2001 à 15 547 en 2017 ; la fondation Abbé Pierre estime qu’il faut multiplier par trois ce chiffre pour évaluer le nombre de familles qui ont quitté leur logement suite à une procédure d’expulsion avant même le concours de la force publique.

 – Le bail mobilité

Un bail « mobilité meublé » (d’1 à 10 mois non renouvelables) pourra désormais être proposé à des personnes « en mobilité » : étudiants, jeunes en formation professionnelle ou en alternance, salariés en mutation ou en mission (cela s’accorde avec la généralisation des contrats de mission de la loi Pacte). Avec les locations du type Air nb (dans la région parisienne, ce type de location a largement franchi le périphérique et touche beaucoup de communes, notamment celles desservies par le métro ou le RER ; elles sont 20 à compter plus de 3,8 locations AirBnB : 10 des Hauts de Seine, 5 de Seine Saint Denis et 5 du Val de Marne), ces contrats constituent le pendant en matière de logement des contrats courts dans le monde du travail. Ce système très favorable aux bailleurs, parce que sa base est non seulement très large mais aussi incontrôlable, est promis à un très bel avenir d’autant que les demandeurs, pénalisés par de faibles moyens (bas salaires, CDD souvent très courts,…) ont des droits réduits :

 – pas de renouvellement de bail ce qui permet une accélération des rotations propices aux augmentations de loyer et donne une alternative ou un couplage à la location touristique type AirBnb (bail mobilité pendant l’année scolaire et location touristique pendant les mois d’été), cette dernière solution devrait exploser dans la mesure où les sanctions pour non-respect de l’encadrement du dispositif de la seule location touristique ont été renforcées ;

 – des charges forfaitaires sans présentation des factures ;

 – pas de possibilité concrète pour le locataire de réclamer la mise aux normes du logement ce qui permet aux propriétaires d’économiser sur ce poste et de louer des logements dégradés et ouvre en grand la porte aux marchands de sommeil. En effet les conditions d’application de la loi sont si longues et complexes que le propriétaire de bail mobilité bénéficiera d’une exonération de fait des obligations de l’article 6 de la loi de 1989, même si formellement il y reste astreint : en effet le locataire n’aura pas le temps de saisir les services de contrôle et encore moins de connaître l’issue de ses démarches !

Les autres mesures

 pénalités de retard si le locataire ne paie pas le loyer à temps : Avec l’accord des députés, lors de la commission mixte paritaire, les sénateurs ont introduit des pénalités de retard qui pourront être réclamées par le propriétaire pour retard de loyer ;

des sanctions pénales pour les squatters de résidences principales ou secondaires.

 plus de bénéfice de maintien dans les lieux pour les squatters pendant la trêve hivernale qui court du 1er novembre au 31 mars.

 un canada dry d’encadrement des loyers : si cette disposition figure dans la loi ELAN, c’est, comme le précise Isabelle Rey-Lefebvre dans le Monde « de manière très restrictive et quasi inapplicable avec une expérimentation d’une durée de cinq ans. Ce ne sera envisageable qu’à Paris et dans les métropoles du Grand Paris, de Lyon et d’Aix-Marseille. Cette possibilité ne s’appliquera, selon des notions encore à définir par décret, que pour les villes où il existe un « écart important » entre loyers privés et sociaux et ou la construction des cinq années passées et à venir est « faible ». Dans ces conditions, les maires des villes de Lille… et Grenoble, qui s’étaient déclarés volontaires, ne pourraient pas l’instituer. »

 deux grands absents dans la loi ELAN :

 d’abord le développement du sansabrisme. Pendant longtemps, le sans-abrisme a pu être considéré comme un révélateur dramatique (chaque année en France, entre 2 700 et 2 800 personnes meurent dans la rue selon une étude de l’INSERM) de la crise du logement. Aujourd’hui, son ampleur doit le faire considérer comme un phénomène en soi, une dimension à part entière des crises du logement.

Selon le rapport commun de la fondation Abbé Pierre et de la fédération européenne des associations nationales travaillant  avec les sans-abris (FEANTSA), « il y a au moins 700 000 sans-abris au sein de l’UE, soit 70% de plus qu’il y a dix ans. » Dans tous les pays, on constate, même si les hommes restent majoritaires, une augmentation qualitative des femmes et des familles.

Rien qu’en France, leur nombre dépasserait les 200 000 alors qu’il n’existe que 155 000 places d’hébergement toutes saturées ainsi qu’en témoigne l’impossibilité pour le 115 de répondre à de trop nombreux besoins. Cette politique de l’hébergement qui coûte plus cher qu’un logement et ne permet pas aux SDF de se reconstruire et d’échapper à terme au sans-abrisme, est en train de devenir la norme, loin des promesses de Macron sur le « logement d’abord ». La politique suivie que nous venons de décrire (politique vis-à-vis du logement social, mise à mal des dispositifs d’encadrement des loyers, cherté du logement, renforcement des droits des propriétaires privés…) ne peut qu’aboutir à une aggravation du phénomène du sans-abrisme.

 ensuite la protection des locataires de l’habitat indigne et des habitants des copropriétés dégradées. Pourtant cette réalité, malheureusement remise en lumière par le drame prévisible de Marseille (un rapport ministériel de 2015 pointait les risques concernant 40 000 logements marseillais soit 13% du parc privé et environ 100 000 personnes), n’est pas une spécificité marseillaise. C’est une réalité de masse au plan national : selon la fondation Abbé Pierre 107 000 copropriétés sont concernées, soit environ deux millions de logements et encore ce chiffre constitue, selon des spécialistes, une estimation basse. Pour sa part, la préfecture d’Ile de France dénombre 170 000 logements concernés dans la région et notamment la petite couronne et en particulier le 93. Pourtant la situation est bien connue et a même fait l’objet d’un édito du Monde en novembre 2018 : « la guerre contre l’insalubrité prend des allures de combat sans fin lorsqu’on doit surmonter des procédures administratives et judiciaires interminables et surtout l’intrication inouïe des responsabilités » celle des propriétaires au premier chef, mais aussi l’incurie de nombreuses municipalités (ainsi à Marseille, mais ce n’est qu’un exemple, une note de l’Agence Régionale de Santé de septembre 2018, précise qu’en 2016 aucun arrêté préfectoral d’insalubrité n’a été pris et souligne que la ville « se prive des possibilités de contraindre les bailleurs indélicats à faire les travaux demandés par l’arrêté préfectoral. Elle se refuse aussi la possibilité d’engager une action pénale forte, car le non-respect des injonctions du préfet est constitutif de délits et passible de sanctions financières lourdes, voire de peines de prison. »). Cette incurie de nombreuses municipalités a une conséquence immédiate : tant que l’arrêté préfectoral de péril ou d’insalubrité n’est pas pris, le propriétaire n’est pas tenu de payer les frais d’hôtel des locataires évacués et toute dépense engagée avant sa prise ne pourra lui-être réclamée par la suite. Ce sera donc le contribuable qui paiera à la place du marchand de sommeil. Mais surtout cette incurie décourage les locataires concernés de faire valoir leurs droits avec les conséquences dramatiques que cela peut entraîner. Par ailleurs, l’exemple marseillais montre que l’évacuation est utilisée comme un outil de gestion de la crise visant au plus pressé, c’est-à-dire au péril, et ignorant donc l’insalubrité ; c’est ainsi que, comme le souligne Le Monde près de 900 personnes sont retournées dans leur logement, dès la main levée de l’arrêté de péril, c’est-à-dire dans un habitat indigne ou indécent. De plus, des obstacles supplémentaires ont été mis au déclenchement de la visite d’un inspecteur de salubrité : alors qu’auparavant un simple coup de téléphone suffisait à la déclencher, depuis peu, le locataire doit remplir une fiche de signalement, fournir une copie du bail, la dernière quittance de loyer et justifier d’une demande d’intervention au bailleur sinon, au bout de deux mois, sa demande est classée sans suite. Beaucoup est fait pour que la Mairie n’ait pas à intervenir s’il n’y a qu’un problème d’insalubrité et que le marchand de sommeil puisse continuer à sévir sans trop de gêne. Enfin, la règle qui veut que les personnes soient relogées à proximité du domicile évacué, avec une tolérance d’un quart d’heure supplémentaire pour se rendre à l’école ou au travail ; Mais selon les associations, cette règle connaît de trop nombreuses entorses. Par ailleurs, il ne faut pas oublier, comme le rappelle opportunément Gilles Pinson professeur à Sciences-Po Bordeaux, que cette incurie municipale n’est pas accidentelle, mais est bien « une incurie orchestrée, procédant de choix politiques. » visant notamment à une mutation sociale de certains quartiers.

Tenir compte de ces réalités, c’est-à-dire de l’importance du parc immobilier privé en déshérence et/ou inadapté à la transition écologique, signifie qu’une politique du logement social aussi nécessaire soit-elle, sera insuffisante. C’est une politique sociale globale du logement qu’il faut avoir en perspective, seule manière d’avoir une politique éco-responsable efficace.

Conclusion

Une telle politique du logement a prouvé depuis longtemps qu’elle est vouée à l’échec comme le montre, année après année, la succession des rapports de la Fondation Abbé Pierre. Les mesures prises par Macron, qui amplifient cette politique, ne pourront qu’aggraver les crises du logement que nous connaissons et ont connues une accélération depuis le début de ce siècle.

Au-delà, comme, l’explique Saskia Sassen économiste américaine spécialiste de la mondialisation citée par Isabelle Rey Lefebvre dans le journal Le Monde « On assiste aujourd’hui à un phénomène qui n’a rien à voir avec la gentrification d’un quartier ou d’un autre. C’est plus profond, plus grave et mondial : le secteur de la finance cherche à extraire la valeur des immeubles un peu comme d’une mine, en augmentant les loyers, en chassant les habitants modestes, en transformant les quartiers… Et l’argent ne retournera pas à la ville, ni ne profitera localement, il sera versé aux actionnaires. »

C’est ce que montrent les résultats de cette politique dans tous les autres pays européens où elle est déjà appliquée. Il s’agit notamment :

 d’une part du désastre humain qu’elle amène :

 en Grande Bretagne : l’incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017 (79 morts) révèle les insuffisances de la politique du logement social en grande Bretagne marquée par le désengagement de l’Etat tant en ce qui concerne le financement (-76% entre 1977 et 1997 ; vente de 1 285 000 logements) que la gestion du secteur abandonnés au privé. Le nombre de demandeurs de logements sociaux est passé de 1 million à 1,6 millions entre 1997 et 2007 et les loyers déjà très chers ont explosés ;

 en Suède : à Stockholm en 2007, sur injonction de la commission européenne le gouvernement a cessé son aide au parc public ; en quelques années le nombre de candidats à un logement municipal a été multiplié par six et le délai d’attente peut atteindre 15 ans tandis que se développe un marché noir de la sous-location ;

 aux PaysBas :L’Etat réclame aux bailleurs sociaux une somme annuelle équivalente à 15% des loyers perçus ce qui les a obligé à vendre une part importante de leur parc.

 en Allemagne : les privatisations opérées dans le logement social ont été très importantes. Alors qu’en 2000 on en comptait quatre millions, il n’en reste plus aujourd’hui qu’un million. La conséquence est d’abord qu’à Berlin, entre 2010 et 2015, les loyers ont augmentés de 32% et les prix de vente de 68%. Cela signifie concrètement qu’en Allemagne près de 16% des foyers consacrent plus de 40% de leurs ressources au paiement des loyers et charges soit plus qu’en France. Une telle politique n’est pas restée sans réaction, ainsi, pour la deuxième année consécutive, plusieurs dizaines de milliers d’habitants ont manifesté à Berlin contre « les loyers de dingue » et veulent obtenir dans cette ville, comme la loi locale le permet, un référendum d’initiative populaire visant l’expropriation des sociétés immobilières détenant plus de 3 000 logements). En quelques semaines, ils ont recueilli plus de 77 000 signatures sur les 177 000 nécessaires. Face à cette mobilisation, la mairie berlinoise a pris, le 18 juin, un décret de gel pur et simple des loyers concernant la quasi-totalité du parc privé selon elle, soit plus d’1,5 millions de logements. Dans d’autres villes, comme Hambourg et Francfort, ce débat, qui concerne toute l’Allemagne est maintenant lancé.

C’est d’autre part de la pénétration croissante dans le logement social des fonds d’investissement privés (Blackstone en Suède ; Patrizia Immobilien AG et Capital Partners en Allemagne). En France, on assiste, grâce à la loi ELAN aux prémices de cette pénétration comme en témoigne la vente en octobre 2018 par la SNCF de 4 000 logements de son patrimoine immobilier à un consortium d’investisseur ou l’association de filiales de CDC habitat avec des investisseurs privés.

Le résultat de ces politiques encouragées jusqu’à présent par la Commission européenne est tel que, comme l’analyse le représentant auprès de Bruxelles de l’USH, dans les pays où ont été menées « des réformes comme le retrait de l’investissement public ou la vente du parc social, dont on voit aujourd’hui les effets désastreux, [cela les amène] à faire marche arrière ».

Inutile de dire que toutes ces politiques vont à contrario de toute ambition en matière de transition écologique. C’est ce que reconnait la commission de Bruxelles dans son rapport de janvier 2018 quand M. Van Styvendael, l’un des rédacteurs, reconnait que « la transition énergétique n’est réalisée que lorsqu’existent de grands propriétaires publics » non soumis à la dictature de la rentabilité et du retour sur investissement.

Bref, la loi ELAN et les mesures budgétaires qui l’accompagnent, copie de ce qui se passe déjà en Europe avec les résultats que l’on constate, témoignent d’une politique :

 sourde aux besoins sociaux de la population ;

 aveugle sur les conséquences déjà connues en Europe de la politique que Macron promeut aujourd’hui en France. Le PDG de Nexity précise que « la politique menée reste technocratique et pilotée par Bercy. Si cela continue, nous aurons 10 millions de personnes en grande difficulté de logements dans quinze ans, contre 7 ou 8 millions aujourd’hui » ;

 et parachevant les conditions de la mise en œuvre de la marchandisation du logement social déjà à l’œuvre en Europe et dont nous connaissons les prémices.

La nouveauté, riche en potentialité, qu’a fait apparaître le festival international du logement social qui vient de se tenir début juin à Lyon, c’est l’élargissement de la prise de conscience que la crise du logement est une réalité internationale. C’est ce qu’a souligné Leilani Fahra, rapporteuse de l’ONU pour le logement abordable qui affirme qu’il s’agit « une crise du logement à l’échelle mondiale. C’est la crise la plus importante du moment, aussi urgente que la crise climatique ». Par ailleurs, dans un documentaire suédois présenté lors de ce festival, le réalisateur, Fredrik Gertten, précise que « nous avons cherché à comprendre pourquoi les prix des logements augmentaient partout dans le monde. Les acteurs locaux donnent des raisons locales et n’ont pas conscience de la dimension mondiale du problème qui est l’irruption de la finance sur le marché résidentiel ». C’est ce qui est précisément en train de changer comme en témoigne, à sa manière et malgré ses insuffisances notamment en matière de « coopération public-privé » (en fait il s’agit des mêmes insuffisances que celles que connaît l’USH), l’« appel de Lyon » des organisateurs du festival aux nouveaux députés européens et à la future Commission. Dans celui-ci, ils réclament, comme le précise le journal Le Monde la nécessité d’un plan d’action quinquennal, la création d’un fond européen d’investissement consacré au logement abordable qui ne serait pas comptabilisé dans la dette des Etats et la mise en œuvre effective du droit des sans-abris à être hébergés. La lutte pour le droit au logement dans chaque pays, ne pourra qu’être renforcée par cette perception qui ouvre des perspectives de réflexions et demobilisations à l’échelle internationale et à tout le moins européenne.

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