Intervention de Pierre Caillaud-Croizat

Je voulais adresser mes remerciements aux organisateurs de cette initiative pour leur invitation.
Je suis heureux de participer à la commémoration de l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui fait suite aux recommandations du CNR dans son programme « Les Jours Heureux », et qui fut une étape importante dans la mise en place de cette sécu à laquelle nous sommes tous tellement attachés, et qui a changé le visage de notre de notre pays.
C’est sans nul doute le plus bel héritage social du XXè siècle, grâce auquel rien ne sera plus comme avant et pour reprendre une formule de Croizat « mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin. En finir avec les angoisses du lendemain, avec la souffrance, le rejet et l’exclusion ».
C’est pour ma part la première fois que je découvre physiquement l’ENSS. Je ne puis m’empêcher de me rappeler cette scène dans le film « La Sociale » et l’étonnement de Jolfred Fragonara devant l’amphithéâtre Pierre Laroque, quand il demande quelle référence est faite à Ambroise Croizat dans l’établissement. Et le plus drôle, quand on remarque l’embarras de la personne qui l’accompagne pour lui en faire la visite.

Que Pierre Laroque soit honoré dans cette enceinte me paraît tout à fait dans l’ordre des choses. Qui mieux que lui représente cette conscience de l’Administration, et par la part importante qu’il a prise dans l’édification de l’honorable institution, rien de plus normal qu’il apparaisse comme une figure des plus représentatives.
Mais comme chacun le sait, la construction d’un tel édifice ne repose pas seulement sur un exploit de la Haute Administration. L’esprit de ce type de réalisation est une projection éminemment politique, qui s’inspire d’un modèle de fonctionnement à construire, afin d’en réduire les inégalités, protéger les populations des aléas de la vie, mettre à l’abri des accidents et des incertitudes du lendemain.
Ces considérations ne sont bien entendu pas étrangères aux représentants de l’administration. Mais de fait, le mieux placé pour incarner ces valeurs, défendre le projet et impulser l’énergie qui permettra à cette institution de voir le jour, c’est sans conteste le ministre à qui on a confié la tâche de conduire cet énorme chantier.
Un autre point sur lequel je voulais m’exprimer est la manière et la rapidité qui ont permis à ce projet d’aboutir. Car là encore, un élément déterminant a accompagné la réalisation de cette entreprise.
C’est la façon dont les masses se sont appropriées ce projet encore en gestation le 4 octobre 1945. Tous ces anonymes qui sur leur temps libre ont apporté leur concours à l’avancement de la construction des bâtiments qui allaient accueillir les futurs locaux de la sécu, ou comme l’explique Jolfred Fragonara dans « La Sociale », ces permanents syndicaux qui ne comptaient pas leurs heures pour établir les fichiers des futurs assurés sociaux. Cet enthousiasme et cette implication ont pris de cours ceux qui ne voyaient pas d’un très bon œil ces nouveaux conquis sociaux et ont permis l’édification de l’institution et son fonctionnement en un temps record.
Cette singularité est une grande victoire du monde militant. Et là encore, le personnage emblématique qui le représente le mieux, c’est évidemment Ambroise Croizat, le métallo qui entre à l’usine à l’âge de 13 ans, qui consacrera sa vie à défendre les droits des travailleurs, dans lequel ceux-ci ont confiance et se reconnaissent.
Dans cet établissement chargé de former les futurs cadres de l’institution, ne pas trouver trace du rôle tenu par Croizat me laisse pantois. Car dans les fonctions que ces cadres vont être amenés à exercer, être imprégné et pénétré de ces valeurs humanistes et émancipatrices ne me semblent ni superflu ni accessoire.
C’est au contraire un point d’appui pour apprécier dans sa globalité l’importance et le rôle majeur de l’institution, dans l’esprit du vivre ensemble, ciment de la cohésion de notre pays.
Les améliorations de bien-être et de dignité qui découlent de cette réalisation sont révélatrices du degré de civilisation de la société dans laquelle nous vivons et sont devenues le socle de notre modèle social.
Je ne doute pas que nous nous retrouverons rapidement pour l’inauguration d’une plaque définitive en l’honneur de Croizat sur le bâtiment de l’ENSS, alors je vous dis à bientôt et je vous remercie pour votre accueil.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Évènements à venir